18 février 2005

L'écrit voté > P

Une parole donnée doit être claire. Un écrit signé demande à être compris.
Il en va ainsi des paroles essentielles, celles qui nous engagent pour longtemps. Et pour un écrit essentiel ? Pour une loi essentielle ?

Plus encore que d'autre, le texte d'une Constitution nécessite d'être simple, clair et précis. Il le doit afin que tous puissent s'y référer sans peine. Afin que la Constitution soit commune à un peuple. Afin qu'elle soit vécue comme le premier des biens que nous nous donnons en partage. Comme un accord. Comme une promesse...

Le projet de traité constitutionnel européen se destine bientôt à prendre la place d'une Constitution. Pour le comprendre, il faut lire ce texte, le lire en entier. C'est un texte qui se compose de centaines d'articles. Il est écrit le plus souvent avec imprécision, volontairement comme il est d'usage entre diplomates. Sur le fond, ce projet engage les citoyens de demain à suivre les choix économiques essentiels des citoyens d'aujourd'hui, ce qui s'appelle, en philosophie, une aliénation. Il n'a pas été élaboré par une assemblée constituante, élue au suffrage universel, mais par un petit groupe d'individus qui ont agi sans mandat électoral. La promotion de ce projet illustre parfaitement la volonté désormais assumée, affichée des gouvernants de calquer les institutions européennes sur le modèle du pouvoir à l'anglo-saxonne, modèle que l'on peut résumer ainsi : "les élites savent ce qui est bon pour vous, faites-leur confiance !" Ce choix contrevient avec violence et sans concession à la tradition républicaine du citoyen, celle qui nous invite à nous instruire, à comprendre et à nous saisir des enjeux qui touchent à nos vies.

Une règle claire et simple est au service du citoyen qui peut la comprendre et l'utiliser. Une règle imprécise et complexe est au service de ceux qui prétendront dire, demain, comment il faut l'interpréter. Cette dérive n'a rien d'anodin. Sous couvert d'un chantage aux convictions européennes, des gouvernants nous poussent, l'air de rien, presque en chantant, à nous dessaisir d'un droit fondamental : la compréhension et le partage de la règle commune. Personnellement, le principe du chantage me dégoûte. Mes convictions européennes sont profondes. C'est au nom de ces convictions que je me bats, aujourd'hui, contre ce texte, contre ce projet, contre ce mensonge !

Notre Europe, ce n'est pas leur constitution !
Il n'est pas encore trop tard pour dire NON.