29 mai 2005

Non > P

Aujourd'hui :
NON

24 mai 2005

Abolir > G

"Il n'y a qu'un moyen d'abolir la guerre entre les peuples, c'est d'abolir la guerre économique entre les individus, le désordre de la société présente."
Jean JAURES

21 mai 2005

L'eau régale > G

L'or résiste aux acides sauf à l'eau régale.

10 mai 2005

L’option du constructeur > R

Il avait la quarantaine blanche. On aurait dit un de ces êtres qui se sont échoués sur leur propre vie. Ses amis l’appelaient Junas, un surnom qui s’était accroché à lui au passage de ses dix-huit ans. Humant une giclée d'Arnavol, Junas relut le message pour la vingtième fois : "K.D.H. à M. Antoine L----- Offre d'achat des titres en votre possession identifiés sous code GR7ASF-06 au prix unitaire de 788 eurs, valable 15 heures, Horodatage Mercur. Réponse souhaitée. Cord." Il se mordit la lèvre. Son conseiller de gestion personnelle lui avait confirmé voici trois quarts d’heure qu'il possédait effectivement onze mille cent douze des titres en question. Un rebut de l’héritage de sa grand-mère. A l’époque, l’ensemble avait été valorisé au montant d'un voyage orbital en seconde, autant dire presque rien. Et là... Junas avait du mal à encaisser. Cela semblait trop beau. Qu’il puisse vraiment commencer sa vie... Sortir de l’humanité invisible...
La bouche sèche, il se décida à lancer la routine. Une voix grave grinça dans le vieux poste de réception qu'il avait acquis sur une brocante dans un sursaut imbécile d’originalité :
- Monsieur Laréverd, ravi de vous entendre ! Lorsque vous serez prêt à conclure la transaction, veuillez prononcer distinctement le mot valise qui figure en bas du message ci-joint. Cela sera à vous dans...
Il coupa. Ces types payaient peut-être le prix fort mais leurs méthodes l'excédaient. Antoine Laréverd pouvait supporter qu’on lui force la main mais Junas demandait au moins qu’on y mette les formes. C'était comme un accord tacite qu'il avait passé avec l'univers. Il était prêt à tous les compromis pourvu qu’on le respecte ! Une espèce d'étiquette qu'il avait substitué à l’éthique. Les manières expéditives, ça ne le faisait pas.
Il reprit contact :
- Je ne vendrai rien à un serveur automatique.
Il signa du doigt sur l'écran de contrôle puis se mit en veine d'attendre. Vingt-cinq minutes s’étaient écoulées quand la réponse lui fut transmise :
- Cher Monsieur Laréverd, l'analyse de votre situation fait apparaître votre appartenance à la citoyenneté de l’UELAN. Les règlements constitutionnels de l'Union stipulent expressément que tout accord commercial susceptible d'apporter un avantage aux deux parties ne peut être refusé unilatéralement. Eu égard à la plus-value anticipée, votre intérêt financier est manifeste. Nous attirons votre attention sur la nécessité dans laquelle nous nous sommes trouvés de faire intervenir notre conseil juridique en procédure d’urgence. L’offre initiale est conséquemment amputée de 47 eurs unitaires sans préjudice de l’existence d’une importante plus-value de votre part. Nous vous remercions de votre accord. Lorsque vous serez prêt à conduire la transaction, veuillez prononcer distinctement le mot valise qui figure...
Il écouta cette fois jusqu’au bout. A 730 eurs le titre, il décrochait encore le pactole. Il décida de se rattraper plus tard sur les questions d’étiquette. Dès qu’il serait riche.
Il reçut l’argent moins d’une heure après avoir signé l’acte via le protocole cinq étoiles de Notius. Il ne prit pas la peine de lire les quatre cent cinquante-neuf articles qui accompagnaient la transaction, typiquement le genre de littérature que pondent d’ordinaire les cabinets d’avocat pour les vendre aux petits chefs des grosses boîtes. De la merde. Mais il arrive que la merde parle et cette-ci avait le goût de la précision. Elle disait : « L’acceptation de la part du V. de l’offre émise par l’A. vaut également acceptation des articles 57 à 76 de la Convention de Luxembourg du 12 mai 2016 ainsi que du titre III du Protocole porté en annexe. »
Quelques semaines plus tard, Junas éclairait sa lanterne dans le bureau de son conseiller personnel, lequel s’était très vite adapté à la nouvelle situation financière de son client et avait, pour l’occasion, invité un avocat. Les deux hommes opinaient du chef de l’air entendu de professionnels qui font autorité. Junas relevait désormais de la réglementation Stravios pour l’ensemble de ses contrats commerciaux et professionnels. Exit son vieux régime de droits à la papa. A les entendre, il aurait pu tomber pire. Les petits pays avaient vite compris l’intérêt d’adapter leur droit en échange de la domiciliation de quelques milliers de filiales. Mais, mais... Existe-t-il un moyen d’échapper à cette clause, avait demandé Junas, quelque peu inquiet puisqu’il s’agissait quand même de lui en l’occurrence, pas d’un ces noms qui circulaient sur le réseau mais bien de lui, Junas ! Oui, Monsieur Laréverd. Il existe un moyen. Vous devez dénoncer l’accord. Cela suppose de rendre l’argent et de rembourser les frais administratifs que ne manquera pas de vous réclamer la partie adverse. Nous dénicherons un vice qui servira de base à la dénonciation. Inutile de vous dire que ce sera coûteux. Ruineux peut-être. Il n’y a vraiment rien d’autre à faire ? Non, Monsieur. Vous savez, le droit commercial est imprescriptible. J'ai un conseil à vous donner. Pourquoi ne pas vous emparer de l'occasion pour changer de système ? Franchement, que valent aujourd'hui les droits d'Etat ? Pas grand chose... C'est un garde-fou pour les plus démunis. Mais, vous, Monsieur Laréverd, vous ne l'êtes pas ! Rien ne vous empêche de souscrire une police privée de protection juridique. J’ai là quelque chose d’excellent, un ensemble de règles qui a fait ses preuves devant les tribunaux. Du très solide, je vous l’assure, beaucoup plus performant qu'une protection publique. Et à un prix raisonnable, moins de 80 000 eurs...
Junas signa. Il ne put s’empêcher de râler, d’évoquer l’égalité. Pour l’honneur. Le conseiller et l’avocat se regardèrent un moment interminable sans rien dire. Ce fut finalement l’homme de loi qui, tournant vers lui un beau visage satiné, effaça d’un sourire ses dernières réticences : « Dieu nous en garde, Monsieur Laréverd ! Je vous en prie. Les Réformateurs nous ont légué un certain nombre de principes... mais l’égalité... quel retour en arrière! Non, vraiment, cher ami, ce temps-là est bel et bien révolu. » Mais ce fut son conseiller personnel qui emporta, comme à son habitude, le mot de la fin. Il le prononça sur un ton insouciant, presque détaché.
« Nous sommes, dit-il, dans le Véhicule qui nous mène vers Demain. L’égalité ne fait simplement pas partie des options du Constructeur. »

09 mai 2005

Je suis un Merdjanian > P


En 1915, il y a 90 ans, la famille Merdjanian a été anéantie.

Un bref retour en arrière est nécessaire. En 24 avril 1915, six cents notables arméniens sont assassinés à Istambul sur ordre du gouvernement turc. Le génocide des arméniens commence. Le premier génocide du XXe siècle. Un génocide parfaitement accompli.

C’est d’abord la déportation et l’extermination systématique d’un groupe culturel et ethnique minoritaire. Un million deux cent mille hommes, femmes et enfants trouvent collectivement la mort. C’est le pillage et la destruction de leur patrimoine. C’est, pour les quelques centaines de milliers de survivants, la fuite et l’exil forcé vers d’autres terres que celles de la Turquie moderne. C’est enfin, et jusqu’à l’époque actuelle, la négation de l’atrocité de l’extermination.

En 2005, l’Etat turc nie toujours la réalité du génocide des arméniens, usant de tout moyen pour propager des thèses négationnistes.

Nier un génocide, c’est l’accomplir jusqu’au bout, jusqu’à sa logique ultime. C’est jeter dans le néant le souvenir de ceux qui ont été exterminés.

Les Merdjanian sont des morts sans tombe. Ils n’appartiennent pas aux archives. Ils ne sont plus rien dans l’histoire. Ils ont été effacés.

Ils étaient la famille de Johanes Merdjanian, mon grand-père, et s’appelaient :

Antranig (57 ans, son père)
Dirouhie (43 ans, sa mère),
Meguerditch (15 ans, son frère)
Ossana (12 ans, sa soeur),
Vagalchay (9 ans, son frère)
Aznive (5 ans, sa soeur).

Ils sont morts en 1915, victimes de la barbarie génocidaire des Jeunes Turcs.

---
«La Turquie s'enlise dans les voies embourbées du mensonge et elle ne peut espérer gagner du temps dans cet enlisement : le crime est imprescriptible. » Yves Ternon

Imprescriptible
Yevrobatsi
Négationnisme turque