07 juin 2012

Tout se passe dans ma tête > P


Extrait d'une interview conduite par Patrice Lajoye pour la revue "Géante Rouge" n°20 :


« Tout se passe dans ma tête »

"Entretien avec Norbert Merjagnan
Les Tours de Samarante furent une surprise pour beaucoup : un premier roman sorti de nulle part, écrit par un auteur dont nul ne connaissait rien, et surtout un excellent roman, confirmé par sa suite, Treis Altitude zéro. Interviewer son auteur, Norbert Merjagnan relevait donc pour nous de l’évidence.

Géante Rouge : Pourquoi écrire un roman ? Qu’est-ce qui te motivait dans cet acte malgré tout assez singulier ?

NM : Le roman, c’est un temps long. Une forme narrative qui correspond à ce que je cherche. Et je crois que ce que je cherche, c’est le récit vrai, celui qui s’impose parmi tous les récits possibles, celui qui n’est pas un simple jeu, jeu d’écriture ou jeu d’esprit.

GR : Une légende, au sens étymologique ?

NM : Oui, mais il faut que je te donne un éclairage. En fait, j’ai commencé à écrire des choses assez tôt mais cela n’allait pas parce que les mots, le langage, me semblaient fragiles, à la limite du faux, artificiels. Je m’apercevais que je pouvais en jouer, créer du «jeu», au sens d’un espace dans les rouages et au sens d’un plaisir d’esprit ; mais cette langue ne me permettait pas de toucher à l’essentiel : la vie, l’enchantement, l’univers, toucher à ce qui est caché. Il s’est passé longtemps, une petite vingtaine d’années, où j’ai lu, j’ai cherché à mieux comprendre ce qu’était un langage – des mots, des signes, des formes – et je pense que j’ai décidé d’écrire le jour où j’ai eu le sentiment que  les mots ne se jouaient plus de moi et que moi je ne me jouais plus d’eux. Ce sentiment c’était aussi l’idée que la Parole, le Verbe n’était pas inaccessible, que le langage pouvait être vif, chargé d’énergie, magique au sens anthropologique de la magie archaïque, c’est-à-dire «animé», chargé d’âme, et donc pour moi toute écriture réelle est une recherche de cette langue-là et à mes yeux un auteur est un chercheur, et s’il ne l’est pas, c’est un menteur."